vendredi 11 mars 2022

" Les plus grands guerriers sont la patience et le temps "

  

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Chapitre 11 " Les plus grands guerriers sont la patience et le temps "


J-25


    J'ai une nouvelle trouvaille. Je compose le numéro inscrit sur l'annonce avec une conviction tactile sans commune mesure. Je choisis une voix dynamique, motivée, joviale, entraînée.

À l'autre bout, une jeune emprunte un tonalité énergique. Une fois ma présentation achevée, le couperet tombe. J'entends la voix prononcer une phrase qui déstabilise:

«La personne qui gère l’offre est absente aujourd’hui. Rappelez demain, merci au revoir!»

Je reste bouche bée. Je ne suis pas vaincue, l’Emplologue ne doit jamais l’être. Il a toujours une nouvelle combine dans son escarcelle. 

«Laisser tomber», c’est contre productif.

Par expérience je sais que cette offre est publiée par d'autres agences d’intérim. L’employeur (le client) ne travaille en général jamais qu’avec une seule! Effectivement je retrouve l’offre. Alors je réitère!





lundi 7 mars 2022

" Tout le monde croit savoir exactement comment nous devrions vivre "

 

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Chapitre 10 " Tout le monde croit savoir exactement comment nous devrions vivre "

  J- 26

        Je ne peux pas prétendre à certaines offres. Ce n'est pas qu'une question de diplômes, les nouvelles technologies, pratiques ou compétences sont à mettre à jour continuellement...

D'ailleurs, c'est le cas d'un ami qui sélectionne des offres selon des critères bien précis selon ses diplômes, mais depuis quelque temps il s'aperçoit que les cinq années après le baccalauréat coûtent à l'entreprise.

Il doit revoir ses prétentions «salariales» à la baisse, accepter d'être embauché sur des postes moins qualifiés, moins bien payés.

Son parcours est méritant, pourtant son avenir n'est pas à la hauteur de ses années passées à étudier! Malgré les entretiens passés, il ne signe aucun contrat.

Pour moi, les entretiens qui se sont déroulés dernièrement n'ont pas été couronnés de succès. Il y a eu le recruteur me reprochant de ne pas avoir suffisamment de compétences administratives, comme si c'était une compétence extraordinaire, unique et compliqué à obtenir!

«Votre parcours est très polyvalent, du coup dans quelle compétence êtes-vous le plus à l'aise ou aspirez-vous à être le plus à l'aise?»

Sûrement fallait-il répondre «compétences administratives»...

Puis il enchaîne «Est-ce que vous avez cette envie (folle, non je plaisante) de travailler dans un secteur aussi technique. Le secteur de l'eau vous intéresse-t-il?»

Alors en plus d'avoir des compétences, il faut avoir un feeling avec le secteur d'activité...Tant que tu ne vends pas des chars pour tuer des gens ou bien que l’entreprise ne finance pas la prostitution ou les réseaux de pédophiles, de toute évidence, je m'en fous du secteur, je veux avoir une paie à la fin du mois,…

La même semaine, un autre entretien a connu la même trajectoire avec une montée d'agressivité de la part de la femme qui recrutait.

En face de moi, une quinquagénaire se prenant pour une juge.

Rapidement elle me reproche de ne pas répondre «correctement» à ses questions: «Vous avez entendu la question que je vous ai posée?!» a-t-elle dit avec un ton condescendant qui m'a surpris par son insolence.

- «Oui, ai-je répondu avec docilité

- Alors reformulez-la!»

Face à son autorité, je vacille, je ne trouve plus la question telle qu'elle me l'a posée à la virgule près, quelques secondes auparavant.

Je me demande surtout comment la faire taire, lui dire de me parler sur un autre ton. Malheureusement je ne dis rien, je tente gentiment de reformuler la question telle qu'elle me l'a posée. Plus je cherche, moins ça vient. Plus je me perds, plus je me sens mal à l’aise.

Finalement j'abandonne et reformule la question.

Si ma réponse ne lui convient pas, il m'est impossible de lui en servir une autre. Il faudra qu'elle s'en contente! Malgré ma docilité apparente, ma partie énervée pour l’instant immergée ne demande qu'à s'exprimer. Je l'ai dans le collimateur, je vais bien trouver une réplique.

Une fois sa liste de questions épuisées, l'heure de la vengeance sonne, j'ai aussi une liste aussi de questions ciblées pour cette dame, j'endosse le rôle de la future embauchée.

- «Où se trouve mon bureau? De combien d'ordinateurs vais-je disposer? Quels logiciels utilisent l'entreprise? Montrez-moi mon bureau».

Les questions s'enchaînent, et ça la déchaîne, malgré tout elle garde son calme.

Une autre question mais formulée uniquement en mon for intérieur:

«Où sont les WC?» comme une métaphore à l'entretien «merdique» que je suis en train de subir!

Je la trouve subitement beaucoup moins impressionnante!

J'apprécie vraiment de lui faire perdre son temps autant qu'elle me le fait perdre.

Elle n'arrive pas à répondre à la plupart de mes questions. La voilà ma vengeance! Je lui jette un air suspicieux, l'air de dire:

- «Quoi!? Vous ne pouvez pas répondre à la question, mais vous êtes qui en fait ?! Une chieuse de recruteuse qui fait perdre du temps aux gens!».

Sourcils froncés, je jette sur elle un discrédit. Je rêve de la planter avec mes mots violents, avec la même force et brutalité dont elle fait preuve envers moi. Je suis bien trop polie pour en arriver jusque là.

Je me contente de multiplier les questions juste pour l'entendre répondre qu'elle ne sait pas. Je sais par expérience que je n'aurai pas le poste, fort heureusement.

Un sentiment d'avoir failli me submerge un court instant.

Au fond je suis soulagée de ne pas y travailler! Ces rencontres là fragilisent le mental de l'Emplologue. Je dois me soumettre aux questions, seulement pour espérer décrocher un bout de contrat pendant un temps.

Lorsque ma mission se termine, lorsque je redeviens Emplologue, je m'oblige à chercher sans trop attendre, car je ne peux plus m'éloigner trop longtemps du monde du travail.

Les entreprises sont à la recherche d'un idéal, un profil correspondant à la virgule à leur souhait.

Il est 9heures. Après un petit-déjeuner avalé à la hâte, je replonge dans mes recherches pour emprunter une direction qui m’éloigne au plus vite de mon métier actuel…

vendredi 4 mars 2022

"On peut retoucher une œuvre construite, on ne peut pas retoucher un cri"

 

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Chapitre 9 "On peut retoucher une œuvre construite, on ne peut pas retoucher un cri"

 

J-27

«On peut retoucher une œuvre construite, on ne peut pas retoucher un cri» - j'aime bien cette phrase empruntée dans un des livres de Bernard Clavel.

Ma recherche s’intensifie. Mes allocations sont bientôt «périmés».

À J-27, je me fixe plus d'objectifs : j'établis un planning de rendez-vous, une liste de noms des personnes contactées avec la date accolée.

J'ai une horloge, un métronome, un tic tac continuel dans mon cerveau. Mercure en a marre! Il est beaucoup trop sollicité.

Je pense aux autres Emplologues (ceux qui n'ont pas choisi de l'être, pas comme moi disons), ceux qui combattent pour sortir de l'impasse.

Les licenciements en masse, les industries qui délocalisent, la fermeture des entreprises font naître beaucoup d'entre eux.

À l'intérieur de ma «communauté», certains collègues obtiennent une mission à temps partiel.

La rémunération correspond à la moitié d’un SMIC, pas davantage.

On appelle ça comment?! Le Boss ne peut pas faire mieux «Avec la conjoncture actuelle, avec la crise, c’est compliqué...» explique-t-il.

La faute à la crise...Phrase simpliste dont tout le monde se contente.

Cela n'empêche pas certains patrons de racheter des entreprises, et parce qu’ils possèdent d’autres entreprises peuvent se permettre de sauver des travailleurs embauchés avec un salaire dérisoire. Parfois le travail est réparti sur la journée. Il est donc impossible d'avoir un autre mi-temps pour compléter le revenu.

Monsieur Paul intervient parfois en versant le complément d'allocation pendant un temps déterminé, quelques mois seulement. 4 heures de travail rémunérés par jour, c’est mieux que rien, mais le bénévolat n'est pas loin.

Or ce n’est pas la vocation de l’Emplologue d'être bénévole...

Aujourd'hui mon amie Natacha s'est éloignée des recherches. Elle croit dorénavant au miracle!

Pour le moment elle se sent légère, elle vient d'obtenir une stabilité en signant un CDI. Elle semble encore avoir du mal à y croire. Fini le titre du roman de Romain Gary. Dorénavant, elle évoque une renaissance.

Être Emplologue n'est pas une vocation. Juste une parenthèse, un passage...Pour une minorité, c'est une philosophie, un état d'esprit, une façon de vivre! Ce n’est pas une contrainte ou un désarroi mais une forme de liberté retrouvée, un éloignement pendant un temps du système oppressant contraignant des hommes à la soumission.

Besoin d'insoumission, refus d'obéissance. «Plutôt marcher debout que de vivre à genoux» écrivait Camus. À J-27 une confusion s'installe. Ai-je fait le bon choix? Le marché du travail est si volatil.

Je me demande si être Emplologue six mois sur douze n'est pas un peu risqué actuellement.

Les fouilles sont devenues une obsession, malgré mes recherches intensives, elles n'aboutissent nulle part!

mercredi 2 mars 2022

"Les salariés sont les êtres les plus vulnérables du monde capitaliste : ce sont des chômeurs en puissance"

 

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Chapitre 8 "Les salariés sont les êtres les plus vulnérables du monde capitaliste : ce sont des chômeurs en puissance"

 

J-28

  

            Mes recherches s'intensifient, je ne peux m'empêcher de vouloir trouver une mission plus intéressante, un salaire plus généreux, une autonomie plus grande, des horaires plus libres sans contraintes sans surveillance bien mieux que la précédente. Je rêve évidemment.

L'époque actuelle compte des fermetures d'entreprises, des démissions, des licenciements. Les entreprises délocalisent, font faillite, renaissent avec des sièges sociaux dans d'autres pays, des pays lointains sous développés. De nouvelles victimes s'accumulent...L'humain devient une sorte d'esclave avec des chaînes invisibles, mais toujours inspirées des droits de l'homme.

À l’instant où j'écris ses lignes, même si j'ai choisi d'être Emplologue six mois sur douze, ce «métier» devient pénible à porter. Les trouvailles sont si rares...

Pourquoi vouloir changer les choses alors que les jeux sont faits d'avance par des hommes de pouvoir qui alimentent le système poussant les autres à se caler dans un divan aussi profond qu’un tombeau?

Pour ceux qui n’ont jamais eu le statut d'Emplologue, je suis une sorte d’OVNI. Il y a de l'emploi, affirme celui ou celle qui gardent leur place, je manquerai tout simplement de bonne volonté...

J'avoue sans mal qu'il m'est difficile d'imaginer de garder à vie un poste au contenu peu enthousiasmant, m’autorisant des pauses devant une machine sortant un café insipide.

L'arrêt fait oublier l'ennui, et la répétition de l'ennui. Il réconforte. Il accorde à mon esprit une pause plus importante que celle qu’imposent les congés payés.

Pourquoi devrais-je rencontré chaque jour des collègues désabusés, fatigués, arborés des mines stressés par les contraintes, les objectifs, les résultats imposés, les défaites, l'ennui? Pourquoi devrais-je rester aux côtés de gens qui n’ont presque rien à raconter, qui n’ont jamais rien bâti, créé, inventé?

Bien sûr, il y a ceux qui n'ont pas le choix, ceux qui veulent avoir un lien social, ceux qui sont passionnés. Un poste de bureau ne passionnera jamais à vie. C'est impossible.

Est-il plus heureux, plus intelligent, plus courageux l'employé qui reste toute sa vie à la même place?

Un jour peut-être, il connaîtra le verbe «virer» au présent. Ce verbe qu'il aura tant voulu éviter, jusqu'à en oublier la concurrence fabriquée par des petites mains beaucoup plus nerveuses et laborieuses que les siennes.

Ses mains manipulées par des actionnaires anonymes qui trouveront tôt ou tard une machine plus rentable, un robot moins bruyant pour les remplacer toutes définitivement...

Il deviendra alors Emplologue, et prendra le train à destination d'une terre précaire...Il sera comme ceux qui lui arrivait de critiquer.

Pour moi Emplologue rime avec liberté, même si le statut ne me permet pas d’aller très loin, trop longtemps...

Parfois j'arrive à glisser de belles aventures qui sonnent le glas d’une liberté chèrement payée...Une revanche d’exploitée contre l’exploiteur, en apparence. Je sais qui finit par gagner!

Ceux qui n’ont pas la force de travailler comme des aliénés toute l'année devraient être considérés comme porteur de liberté, et devraient obtenir un prix comme celui du Nobel.

La société qualifie l'Emplologue d'instable, pire de feignant, cependant j'avoue sans mal, être en harmonie lorsque j'arrête de travailler comme une esclave avec un paie où l'horizon se limite au lendemain.

lundi 28 février 2022

"Au-delà de cette limite votre ticket n'est plus valable"

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Chapitre 7 "Au-delà de cette limite votre ticket n'est plus valable"

 J- 29

 

        Mon amie Natacha s'inspire beaucoup du titre du roman de Romain Gary: «Au-delà de cette limite votre ticket n'est plus valable» pour évoquer sa vie professionnelle.

À 48 ans elle a peur d'être Emplologue à vie (enfin ce qui en reste jusqu'à la retraite). Elle pense ne plus être capable de trouver d'emploi stable. Pourtant, elle a des compétences, et elle n'a pas envie de faire comme si elle était une débutante. Ce qui se traduit par quelques exigences: elle cherche un salaire plus grand qu'un SMIC, un travail intéressant pas trop éloigné de son domicile. Bref elle a des exigences, il y a des choses qu'elle n'accepte pas.

Elle pensa à cette société qui la burquanise, la met dans les cases. Elle n'est plus aussi dynamique, jeune, souriante agréable qu'avant....un peu chiante même!

Naturellement des angoisses apparaissent et l'obligent à se confronter avec elle-même et aux autres.

La société murmure que la femme à 20 ans manque d'expérience, à 30 elle s'occupe (à faire) des enfants, à 40 elle est moins fraîche qu'à 20, et après 50 ans, elle continue de s'affaiblir...

Au cours de mes entretiens, l’âge s'immisce souvent dans la conversation par des questions: «Avez-vous déjà signé un CDI?» ou bien encore :«Pourquoi ne jamais avoir signé un contrat à durée indéterminé depuis toutes ces années? (ce qui sous entend à votre âge)»

«Avec votre expérience, vous ne seriez pas née à la préhistoire?» C'est comme si je demandais à un célibataire de 40 ans sans enfants, pourquoi il n’a jamais fondé de famille? Est-ce par manque de volonté, d'opportunité ou bien lié à une déficience hormonale ou mentale?

Mes trouvailles éphémères ont toujours été la volonté de ne pas signer à vie sur un poste qui me rend aussi immobile qu'une chaise de bureau.

J'ai le mal de mer lorsque j'entends CDI. Envie de vomir, l'envie d'en finir. J'ai beaucoup trop d'affection pour mon esprit pour lui imposer ces trois lettres prisonnières.

Lui offrir le meilleur, ce qui a de mieux pour son éveil m'encourage à poursuivre sur le chemin de la créativité, de la liberté éloignant pendant un temps ce satané capitalisme primaire qui lance ses miettes comme Cupidon ses flèches empoissonnées.

Pourtant lorsque mes recherches s'intensifient, elles m'atteignent, et je deviens en effet une capitaliste. J'ai l'obsession du chiffre, de l’horaire, de l'accumulation, je cours, cours, cours, je réfléchis peu. Je sors la glaive et l'épée. Je multiplie les appels, les candidatures, les recherches.

Je m'invente des scénarii probables, des scénarii improbables. Je manque d'oxygène, je cogite, je stresse, j'oublie que la vie peut être simple et douce…


jeudi 24 février 2022

" Allez là où il n'y a pas de chemin et laissez une trace "

 

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Chapitre 6 "Allez là où il n'y a pas de chemin et laissez une trace"

       J-31 / J-30


Les recherches ont cessé...Un moment de trêve qui dure 48 heures. La veille, une agence d'intérim a répondu à une de mes sollicitations par courriel.

L'employée de l'agence m’informe que mon parcours intéresse. Elle l’a d'ailleurs envoyé à son client. Elle écrit quelques notes rassurantes non bellicistes au contraire elle se veut optimiste: «cela bouge».

Deux petits mots presque insignifiants, toutefois ils redonnent un peu d' espoir...

Les agences intérim sont des filtres entre les entreprises et l'Emplologue.

Elles savent si bien se servir dans la poche du salarié et de l'employeur quand ces deux manquent d'opportunités et de temps. Elles prennent une commission sur le travailleur qui ne dit rien, de toute façon le travailleur trouve que c'est normal, l'emploi est si compliqué à trouver seul, sans réseau, ni contact...

Toutefois elles sont de plus en plus nombreuses ainsi une concurrence féroce se trament entre elles.


mardi 22 février 2022

"Ne t'arrête pas quand tu es fatigué, arrête toi quand t'es fini"

 

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Chapitre 5 "Ne t'arrête pas quand tu es fatigué, arrête toi quand t'es fini"

 

 J-32


       Leitmotiv de l’Emplologue: ne jamais baisser les bras. Il doit découvrir un maximum de trésors en un minimum de temps…Je ne suis pas la seule à explorer de nouvelles pistes.

Alors je tente des idées novatrices mais les idées novatrices dans ce domaine ne sont pas tellement le signe d'un immense talent.

Il y a toujours ceux qui font du zèle. Ceux qui font de leur parcours une série en images, en vidéo, avec des CV en couleur et photographies retouchées, des liens vers leur créativité, ceux pour qui taper sur des tambours avec fracas n'effraie pas.

Il m'apparaît déjà suffisamment pénible de chercher du travail, si en plus il faut quémander sur les réseaux sociaux.

Comme tout le monde, je cherche la meilleure opportunité, mais à J-32 je ne peux plus me permettre d'être exigeante. Est-ce que ça vaut vraiment la peine de se donner la peine?

Mon travail d'Emplologue consiste à décrypter les annonces comme un papyrologue, à m'approprier les plans des tunnels comme un égyptologue, à mesurer la portée et la valeur de l’offre comme un épistémologue pourrait le faire dans sa spécialité...

Il y a quelque chose d’obsessionnel dans mes recherches, même si elles n’ont rien de passionnantes, rien de révolutionnaires.

Que dire de ce silence imposé tôt le matin ponctué parfois d’appels «intempestifs». Je n’aime pas non plus la musique des clics de la souris que je maintiens fermement dans ma main crispée, ni le tapotement nerveux de mes doigts sur ce clavier qui va devoir répondre aux offres plus rapidement qu'un autre candidat.

Heureusement il m'arrive de m’évader en écoutant de la musique, en parcourant les lignes d’un livre captivant, en créant les contours d’une liberté loin des répétitions lasses qu'engendrent les recherches.

Pourquoi ne pas se rassembler, et crier haut et fort le désespoir des recherches infructueuses? Les combats se multiplient. Ce combat a-t-il un sens? À quoi bon gaspiller de l'énergie? Mais les Emplologues sont si pressés de redevenir esclave de la société de consommation, ils n'ont pas le choix d'exister sans elle.

vendredi 18 février 2022

"Mon destin coule par un robinet qui fuit"

 

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Chapitre 4 "Mon destin coule par un robinet qui fuit"

 

J-33


        La majorité rêve de posséder un compte bancaire presque aussi rempli que celui d'une célébrité du foot. Plus je joue, plus je me leurre. La grosse cagnotte, un mirage.

La sonnerie du portable vibre. La réalité revient au galop. L'appel d'une agence intérim manifeste de l'intérêt pour mon CV.

Je dois bientôt dérouler mon texte. Au départ j'ai une légère appréhension, une sorte de trac qui suinte, et qui s'entend même au téléphone. Le combiné tremble un peu.

Il me faut souvent un temps pour éloigner l'appréhension, surtout lorsque je viens de courir comme une dératée pour attraper mon portable à l'autre bout de la pièce! L'assurance revient vite, l'habitude évidement.

Ce n'est pas comme si c'était la première fois.

Ainsi ma confiance grandit si fort que je pourrais même décrocher un poste à l'ISS, faire le premier pas de «femme» sur la lune!

Il s'agit de réciter mon texte, de décrire mon parcours en suscitant beaucoup d'intérêt. Au fil des années, le texte est de plus en plus long à dérouler...Ne jamais oublier de motiver celui qui écoute, ne pas rendre mon texte soporifique.

L'énergie, le ton dynamique, l'entrain, l'humeur, l'heure à laquelle le téléphone sonne font toute la différence...Bien sûr il y a le poste et le salaire proposés qui intensifient ma motivation!

Tous ces critères modifient mon récit, la façon dont je partage mon histoire professionnelle...Il me faut comprendre là où on veut m'emmener, éviter les pièges, avoir une réflexion poussée avec des réponses métaphysiques sur mon avenir, mon présent, et analyser les erreurs du passé.

Évidemment je déteste toujours autant répondre à leurs questions dès huit heures du matin.

Le «Pourquoi je postule?» m'exaspère. Un jour il faudrait que je réponde avec mépris «parce que j'adore travailler, boire des cafés avec les collègues tôt le matin, des apéros en fin de journée» ou encore «je suis très motivée pour faire grossir le chiffre d'affaires de votre entreprise sans demander ma part du gâteau!»

Évidemment c'est toujours un peu la même rengaine...Heureusement il m'arrive d’être surprise.

Un jour, une question m’avait un peu déstabilisée, et ma réponse avait emprunté le même chemin.

La voix sérieuse du recruteur avait demandé avec aplomb :«Quelles seraient les raisons pour NE PAS vous embaucher?»

Généralement cette question est souvent formulée par: «Citez-moi vos qualités et vos défauts...»

Oui je sais, l'employeur manque cruellement d'originalité...

Celui-là semblait vouloir être un tout petit peu original...

Bref à cette question, je me suis laissé aller. Je n'avais plus aucun code. J'ai répondu naturellement avec une pointe d'acidité

«Mon cher Monsieur - ça c'est dans ma tête -

Il n’y a aucune raison pour ne pas m’embaucher, motivée je le suis, blablabla…» ça dû lui plaire, je décrochais la mission rémunérée à un taux horaire plus élevé que toutes les autres missions que j'avais jusqu'alors obtenues. Mon loto à moi en quelque sorte…

Pour revenir à l’entretien téléphonique avec celle qui pose des tas de questions tôt le matin, «l’entretien» se passe comme à l'ordinaire…

Je préfère largement écouter de la musique plutôt que d'écouter ses questions, toutefois je suis ravie d'entendre ses quelques notes à la fin de l'entrevue :«Vous avez une très belle expérience!»

Quelques paillettes jetées sur mon espoir. Je réponds simplement «merci».

Pourtant ma voix intérieure s'exprime par ces quelques mots:«j'espère qu'elle ne t'a pas fait perdre ton temps...».

Avant de raccrocher, la personne de l'intérim m’informe qu’elle envoie ma candidature à son client. J'attends la prochaine étape: le «face à face» avec le maître...

mercredi 16 février 2022

"Le jour où tu arrêteras de courir, c'est le jour où tu gagneras la course"

  

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Chapitre 3 "Le jour où tu arrêteras de courir, c'est le jour où tu gagneras la course"

 

J-34


            L'ordinateur n’est pas juste un truc pour s’amuser, c'est mon outil de travail dès 8h30. Taper aux portes des entreprises n'a jamais été recommandé. D’ailleurs cela n’a jamais fonctionné de cette façon, en traversant la route par exemple, encore moins pour un poste d'employé de bureau…

Avant mes candidatures étaient envoyées par la poste, maintenant c'est grâce à mon meilleur allié, l'ordinateur que mon CV est jeté dans l'immensité du web. Comme une bouteille à la mer.

Les deux documents indispensables sont le Curriculum Vitae accompagné d'une lettre de motivation.

Heureusement l’endroit où je vis est agréable.

Un contraste avec la pression du vide et des portes qui claquent.

Il y a quelque temps, j'habitais un appartement. D'un minuscule bureau accolé au lit de la chambre, coincée à l'intérieur d'une pièce exiguë, plus obscure que claire, j'envoyais mes candidatures

Parfois il m'arrivait de répondre deux fois à la même annonce...

Un manque d'attention ou de motivation, les deux mon capt'aine!

Un logement s'obtient avec un salaire intéressant ou décent. Cela doit représenter bien plus qu'un SMIC. Les propriétaires sont exigeants, les loyers de moins en moins modérés. Pour la majorité, on a l'impression qu'ils ignorent l'existence du salaire minimum...

Il existe pourtant des logements sociaux à loyer modéré. Pour l'obtenir, il faut avoir soit monsieur piston ou l'assistante sociale prenant le pauvre naufragé sous son aile!

Le premier étant une affaire de réseau, le deuxième, une maman de substitution intransigeante qui ne cessera de sourciller à la moindre dépense superflue!

Ces sociétés gérant ces logements «sociaux» dit logement de cas «sosse» sont devenus de véritables machines à fric - elles font de la précarité un business - les loyers sont de moins en moins modérés!

Je vis dans un pays riche, les pauvres sont une erreur d’équation!

Les locataires sociaux traînent une sale réputation. Pourquoi les imagine-t-on avec un passé douteux? Appartiennent-ils à la catégorie des gens qui n’ont pas réussi à avoir autre chose que des problèmes d’argent, et d'embauche...?

Pour respecter le quota de la mixité sociale, certaines communes «bourgeoises» s’efforcent (pour éviter de payer les amendes) de construire des «cases bétonnées» pour les déshérités, à côté de grandes maisons avec jardin et piscine.

Le cas « sosse » est très vite repéré, surtout lorsque les enfants côtoient l’école du «village».

La barrière de classe est invisible, toutefois elle se dessine.

Les habitants des «communes» situées à côté d'une métropole se côtoient entre gens du même milieu social…

Avant, j’habitais dans un immeuble de cas «sosse», et au rez-de-chaussée le promoteur et le maire avaient eu la bonne idée d'installer un commerce.…

Chaque matin, dès 6h30 le couple de commerçants n'avait aucun scrupule au moment de lever les rideaux de fer pour l'ouverture du magasin brisant ainsi chaque jour, eh oui chaque jour, la grasse matinée de tous les habitants de l’immeuble. Le bruit retentissait dans tout l'immeuble...Je ne compte pas le nombre de matins où j'aurai pu dormir jusqu’à 9 heures...Impossible de se plaindre...

Pour ceux qui ont osé, le commerçant n'hésite pas à leur répondre :«si les gens ne sont pas contents, qu’ils déménagent!».

Tout est différent maintenant. Sur mon bureau les papiers éparpillés ne se disputent plus la place.

Dorénavant l'espace est plus grand avec un loyer raisonnable (plus bas que le loyer de mon ancien logement de cas «sosse», et sans étiquette cette fois!)