lundi 14 février 2022

Chapitre 2 "L'homme ne fait pas l'histoire, c'est l'histoire qui fait l'homme"

 J-35


        En quelques clics, je sélectionne des offres d'emploi sur Internet. Les annonces sur ces sites dédiés défilent presque aussi rapidement que sur un tableau de cours en bourse d'entreprises du CAC40 (avec beaucoup moins d'entrain).

Les Emplologues consultent ces «offres» régulièrement en évitant de sélectionner une annonce à laquelle ils ont déjà répondue. L'Emplologue doit avoir de la mémoire.

Avec de l'expérience, il repère aisément l'employeur insatisfait continuellement.

Après l'envoi de ma candidature, j'attends. Il y a la candidature qui obtiendra jamais de réponse, celle qui recevra une réponse négative et celle qui décrochera le rendez-vous avec le Tout-Puissant!

Internet possède un grand pouvoir celui de penser que l'employeur et le service Ressources Humaines sont accessibles en quelques clics.

Paradoxalement, ça n'a jamais été aussi compliqué de décrocher un emploi. Trop de gens cherchent. Il faut savoir se démarquer pour être démasqué!

Dans ce deuxième chapitre, je pars de la fin : le quotidien d'un chercheur, lorsque son contrat de travail se termine.

À cet instant, il obtient deux attestations : l'une permet d'obtenir des allocations mensuelles grâce à des calculs aussi nébuleux que des symboles de papyrus. Monsieur Paul utilise cette attestation pour déterminer le montant et de la durée de l'allocation mensuelle de l'Emplologue.

Monsieur Paul, c'est l'agence nationale pour l'emploi, la maison mère de l’Emplologue.

Certains ironisent en la nommant ainsi :«Paul emploie pas».

Cette institution des années 1950 dispose d'un tas d'agents, d'ailleurs les agents sont des salariés...

L’Emplologue rend des comptes à Mister Paul qui s'engage à suivre le malheureux pendant toute la durée de sa latence forcée.

Grâce à la magie d'Internet, l'Emplologue n'attend plus comme avant, l'ouverture de l'agence sur le trottoir d’en face, esseulé dans la brume d'un matin froid et incertain à l'image de son avenir.

Maintenant à l'intérieur de ces agences sont accrochés sur les murs des posters indiquant le comportement de l'Emplologue modèle. Un silence religieux y règne désormais.

Fini la colère, voire la rage qui atterrissait en postillons sur le pauvre agent qui n'a jamais eu d'arguments pour se défendre. Il n'est pas rancunier car malgré ces attaques, il programme toujours une fois l'an, un tête à tête avec son Emplologue pour vérifier avec un chrono en main, la motivation et l'avenir de ce dernier,...

à ce moment-là, l'agent pose diverses questions:

«Savez vous vous servir d'un ordinateur ? Ou bien « une formation, une mise à jour de vos connaissances serait appréciable ou encore êtes vous vraiment passionné par vos recherches ? Méritez vous vos petits sous àla fin du mois?

Il scrute la moindre faille, une négligence, une lassitude qui pourrait mener vers une dépression nécessitant une prise de psychotropes...

Un manque de motivation pourrait nuire gravement à la santé du chercheur.

Une radiation par exemple, pourrait tout à fait le faire disparaître de la surface de la terre, d'un simple clic, le transformant en nomade errant de squats en squats.

Jadis à l'intérieur des agences, il y avait un avantage, certes petit mais l'Emplologue est modeste. Il sait se contenter.

Avant il pouvait même passer des appels téléphoniques gratuits.

Théoriquement il s'en servait pour joindre les services des Ressources Humaines qui n'aiment pas tellement être sollicités par un chercheur en mal de trouvailles.

La plupart du temps, le chercheur entend un non glaçant et irrévocable, dans le meilleur des cas un «Rappelez la semaine prochaine...» qui se transforme la semaine suivante en «non, vous appelez trop tard, le recrutement est terminé!»

Aujourd'hui les appels gratuits au profit de Pierre Paul Jacques sont interdits! L’Emplologue doit s'équiper d'un ordinateur, d'une connexion, d'un téléphone portable avec forfait!

Il doit connaître les touches de son clavier, et ne pas taper comme un benêt avec un doigt ou deux. Il ne doit pas non plus négliger la souris qu'il devra saisir frénétiquement, voire écraser le dos plastifié au moment de répondre à une offre.

L'énergie est une ressource indispensable pour faire maintenir en vie l'Emplologue.

Il doit s'en servir pour dégainer son CV et sa lettre de motivation le plus rapidement possible, ce qui sous entend plus vite que le autres! Monsieur Paul possède lui aussi son site internet, accessible 24h sur 24, jour et nuit (pour les insomniaques).

Ce site fait croire qu'il y a un tas d'offres, certaines offres ne sont pas l'exclusivité de Paul mais un «copié collé» d'offres provenant de sites partenaires! Il a même créé une application pour le téléphone mobile. Lorsque l'Emplologue sort dorénavant c'est: «jamais sans mon Paul»!

Cependant malgré toute sa bonne volonté, le site du Maître comporte des failles...

Dans mon espace privé j'y accède avec des identifiants, et dépose mes travaux accessibles aux employeurs.

J'attends de vraies propositions, mais à la place je reçois des messages d’employeurs proposant la mise sous pli de différents documents commerciaux accompagnés de divers travaux administratifs…

Une fois les documents d'identité et mes coordonnées bancaires envoyés, je décrocherai à coup sûr cette mission incroyable de deux heures par jour rémunérées à un taux horaire très attractif...

Qu'est-ce qu'on fait avec deux heures par jour même à un taux horaire attractif, à part galérer?!

Devoir effectuer des tâches aussi basiques était un affront aux années passées sur les bancs de l'école dont on me rabâchait cette évidence :«Plus tu feras d'études, plus tu auras la chance d'avoir un avenir!». Avait-il correctement lu mon CV? Non, cet employeur était un leurre.

La première fois, j'ai crié à l'oreille de mon agent (pas littéraire) dans un discours sans virgule qui lui ordonnait de ne pas communiquer mon mail à n'importe quel zozo...

La proposition n'était pas à prendre au sérieux, avait-il eu le toupet de m'avouer - comme si ce genre de remarque allait m'instruire.

La seule façon d'agir est dorénavant d'interdire tout employeur de me contacter via le site de Mister Paul en cochant la case «non visible des employeurs» dans mon espace privé.

Tant que Paul laissera entrer des freluquets de faux employeurs qui se payent la tête des pauvres chercheurs, je refuserai de donner accès à mon espace professionnel.

Dans la bible il est écrit « NE LAISSEZ PAS ENTRER N'IMPORTE QUOI (dans mon cas, n'importe qui) DANS VOTRE ROYAUME». J'avais donc une solution : éjecter celui qui oserait me dévoyer.

Malheureusement mon cas n'est pas isolé.

L'agent avoue la faiblesse du site de Monsieur Paul. L'identité n'est pas contrôlé. Tout le monde peut se faire passer pour employeur. N'existe-t-il pas d'informaticiens suffisamment compétents pour résoudre ce problème? À moins que le salaire soit peu reluisant au regard de l'ampleur du chantier?

Bref le site de Paul sert surtout à se connecter tous les fins de mois avec des identifiants à six chiffres et deux lettres pour répondre aux questions de curiosité du Maître.

L'Emplologue doit cocher les bonnes cases du formulaire pour maintenir pendant une durée déterminée, la petite indemnité mensuelle. Sans cette déclaration de fidélité, la radiation guette celui qui ne remplit pas son devoir contractuel.


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