jeudi 24 octobre 2019

Chapitre 8...Tome II

Bonjour

Il est écrit, chapitre 8 à lire !  

Bonne lecture ;-)

"Il y a toujours cela, un jour et une heure où les choses basculent et alors on ne peut plus faire comme si ça n’avait pas eu lieu."


8. 


Après le passage des proches de R., une odeur tenace désagréable d’œuf pourri comme le gaz d’hydrogène, se répandait dans la pièce où je prenais mon petit déjeuner, le lundi matin. Il m’était impossible d’avaler quoi que ce soit, la nausée m’irritait, ne me lâchait pas. De l’immense baie vitrée, je voyais les vestiges de déchets d'un week-end festif, à côté d’une piscine redevenue calme. Triste contraste. Heureusement les autres jours, tout allait mieux...

C’est grâce à l’énergie de Rosa engagée pour nettoyer la grande villa, cinq jours sur sept de six à douze heures que les choses étaient de nouveau à l'endroitJ’avais bien souvent envie de l'aider à faire disparaître tous ces déchets d’une fête à laquelle elle ne participait pas. Elle refusait catégoriquement mon aide, et lorsque j'insistais, elle indiquait d’un mouvement de tête les caméras qui l’auraient dénoncée, lui aurait coûté sa place.

Même si elle n’avait pas eu d’enfant, Rosa assumait seule son existence. Personne sur qui compter en cas de coups durs. Elle était née du côté des malchanceux où les opportunités même rêvées finissent par échouer dans la sphère de l'oubli ; les attentions peu nombreuses, les considérations peu flatteuses. Une vie figée dans la routine sur fond de galères. Une vie d’invisible. Cet emploi constituait un rempart, peut-être le seul, pour éviter de tomber dans la misère qui ne se traînait jamais très loin.

Rosa avait la cinquantaine, à peu de chose près l’âge de ma mère ; elle lui ressemblait par moments par son côté bienveillant. Elle avait des yeux gentils plein d’attention qui ne demandaient qu’à s’épanouir, une forme d’intelligence retenue à cause d'une vie résignée, limitée à des tâches ingrates et répétitives… Je lui trouvais un regard protecteur celui même que j’aurai tant aimé trouver chez ma mère au moment de mon départ. J’appréciai chez elle sa sincérité, son absence de jugement, son soutien à bien des égards. 

Je crois que notre complicité est née durant ses pauses, vingt minutes montre en main. Elle les prenait en même temps que mon petit déjeuner. Un rendez-vous incontournable qui réunissait nos solitudes pour en atténuer les morsures, au petit matin. Juste avant l’arrivée de Nicki. 

Au début, j’en profitais pour poser des tas questions sur R qui était ma seule préoccupation...Mais elle ne savait pas grand chose sur lui. Elle avait rarement vu son employeur qui, selon elle, avait fait cadeau de la villa à sa famille et ses amis 

R. y séjournait rarement ; il s’était déplacé au début pour suivre les travaux mais il vivait toujours à côté de son club. Cette révélation finit par achever tous mes espoirs de le voir un jour apparaître, encore moins avec un bouquet de fleurs ! 

Aussi loin que je me souvienne, c’est elle qui me souffla l’idée qui déclencha un amas d’images qui ont tourbillonné pendant un temps que je ne pourrais définir, dans mon cerveau comme le vent dans une voile. 

Au terme des quatre semaines je comprenais que mes rêves étaient aussi irréalisables qu’inaccessibles même aussi proche du but, c'était aussi peu probable que de monter les marches d’un festival de cinéma au bras d’une célébrité. 

Pour dissiper mon obsession, mon objectif et ma détresse, trio infernal de prise de tête, Rosa me parlait souvent de sa nièce qui rencontrait un succès avec des vidéos postées chaque jour sur le net. 

Sa nièce avait une chaîne sur internet où elle dévoilait sans ambages les pensées d’une adolescente de seize ans. Elle parlait ouvertement de sa vie de lycéenne, sous la forme d’un journal, et ouvrait ainsi une fenêtre sur son univers, tout en partageant ses points de vue sur des sujets qui lui tenaient à cœur, elle évoquait ses centres d’intérêt, son avenir au cœur d’une époque pas toujours idyllique même si elle semblait être née sur un continent qui avait pris l’habitude de ne manquer de rien - du moins matériellement. Ces abonnés étaient pour ainsi dire ses confidents, des jeunes mais aussi les parents de ces jeunes. Sa maturité et son intelligence m’étonnèrent ; j’étais loin d’avoir l’aplomb qu’elle avait à son âge...J’aurai tant aimé avoir une amie comme elle...L’humour était aussi une façon d’appréhender les problèmes parfois graves... 

Elle laissait la possibilité aussi à d’autres de s’exprimer en créant des « Lives ». Elle invitait régulièrement des amis à parler, à faire des sketchs, des ateliers cuisine, de la musique...Lorsqu’elle jouait de la guitare elle en révélait les accords qu’il fallait composer pour produire la mélodie. 

Ces vidéos n'étaient pas toujours faciles pour moi à suivre puisqu'elle parlait portugais, l'image était toujours soignée. Elle abordait des sujets de la vie en mettant en scène des situations. La qualité du son irréprochable. Elle fut pour moi une grande source d’inspiration. 

En effet, c’étaient bien ces images, les images de ces vidéos, le son de sa voix en filigrane que je voyais tourbillonner dans ma tête depuis le début. Ces vidéos que je visionnais assidûment qui m'ont permis de vaincre la solitude du soir, allaient radicalement changer les alinéas de mon destin. 

Le soir où je fus si désespérée, où tout autour de moi semblait s’écrouler avec en fond sonore le martèlement de la pluie sur le toit de la villa, le souvenir d’une vidéo qui m’avait beaucoup plu la veille, surgit comme une évidente providence annonçant ainsi un tournant décisif.



 


Pour découvrir le tome I, c'est ICI !


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