J’ai
choisi les fêtes de fin d’année, un moment de joie et de
fraternité, pour annoncer à ma famille mon départ.
Aurais-je
du partir sans rien dire ? Mag connaissait les lignes du contrat par
cœur. Pour ma famille, nous avons réécrit une version allégée.
Le contrat devait rester secret, comme indiqué dans un des alinéas.
Personne ne devait connaître le document qui m’unissait à cet
homme si célèbre. Je devais rester un fantôme, n’existant qu’à
travers les lignes d’un contrat vite oublié lorsqu’il
obtiendrait ce qu’il voulait…
A
ma famille, il était difficile de leur cacher l’identité de la
personne avec qui j’allais vivre. J’ai donc révélé le nom du
célèbre joueur de foot pour qui je partais vivre ma belle histoire
d’amour (version retravaillée).
Cette
version n’allait pas tellement leur plaire. Ce fut un véritable
séisme émotionnel lorsque j’ai annoncé partir m’installer avec
lui, dans sa luxueuse villa à Lisbonne.
Les
questions ont commencé à s’accumuler, tout le monde s’est
subitement mis à brailler, à vouloir m’embrouiller, à me traiter
de menteuse, à m’interdire de partir, à m’obliger à le
contacter, ils voulaient le recontrer. Pour atténuer leurs
angoisses, j’ai consenti à montrer des photos de lui, de nous, de
la soirée que nous avions passé qui révélait notre proximité,
puis je leur ai montré mon ventre qui s’arrondissait...Deuxième
choc !
Leurs
doutes, leurs cruelles remarques et leurs questions souvent
cinglantes, ayant pour but de tout saccager, ont affolé mon cerveau
que j’essayais de raisonner.
J’essayais
d’éloigner ma part d’ombre, car je ne voulais pas m’emporter,
me brouiller, partir fâcher, ni déclencher aucune violence. Mais
même le silence ne m’avait pas été favorable.
«Comment
l’as-tu rencontré et séduit ?
Comment
as tu fait pour qu’il te
remarque, toi l’anonyme!? Pourquoi n’est-il pas là à tes
côtés aujourd’hui ? Appelle-le on va lui poser des questions !»
Je
n’avais jamais aucune bonne réponse. Heureusement, avec Mag on
avait préparé un texte en béton que je connaissais sur le bout des
doigts pour l’avoir mille fois récité. Comme un politicien qui
s’évertue à dissimuler la vérité, je leur servais le même
discours, les mêmes phrases, à la virgule près...
Le
plus compliqué fut de gérer l’émotion de ma mère qui se révéla
plus coriace que les autres. Elle ne comprenait pas pourquoi je ne
l’avais prévenu ; et refusait catégoriquement le futur que je lui
servais avec conviction.
Vexée,
abattue par autant de mauvaises nouvelles, il lui était
insupportable de me voir partir dans une semaine…Aussi
vite, avait-elle répété, qu’est-ce que
c’est que cette histoire, lançait-elle,
les yeux embrumés. Elle me scrutait essayant de percer la
femme qu’elle ne connaissait pas.
Je
tenais bon, accrochée à ma chaise essayant d’avaler calmement
quelques morceaux de dinde farcie aux marrons. À peine avalée, je
devais me concentrer pour faire une réponse cohérente, sans
m’embrouiller, devais exceller dans l’art de me répéter.
Une
question devait obligatoirement avoir une réponse. Le rythme était
infernal. Pire j’avais presque l’interdiction de boire un verre
d’alcool sous prétexte de raconter des salades.
Lorsque
la bûche glacée arriva, j’étais épuisée, c’est comme si
j’avais couru le marathon de New York en escarpins sans
préparation. Et ce qui devait arriver arriva…Lasse, la tension
retenue jusqu’alors se libéra.
Ma
patience m’échappa subitement ; des visions trash comme la bûche
de Noël fracassée sur la tête du chat qui, gisant au sol, se
relèverait difficilement de ces blessures, des visions comme celles
là, des visions de rébellion provoquèrent un tremblement dans ma
main droite atteignant rapidement la main gauche, toutes deux
devenues incontrôlables. D’abord mes mains, puis mes jambes pour
prendre possession de tout mon corps. Ce que j’avais tant redouté
s’installa définitivement.
À
la énième question «pourquoi tu fais ça, pourquoi tu pars,
pourquoi avec lui» j’ai craqué, je me suis levée, quittant
la table avec rage, puis le salon en hurlant mon désespoir à leurs
gueules de dégénérés…Au passage, quelques verres cassées, la
bûche éparpillée en mille morceaux, mais heureusement le chat
indemne, je ne devais partir précipitamment car je ne pouvais plus
les regarder, les entendre.
Maintenant
au moment où j’écris ces lignes, je trouve ma sortie presque
théâtrale.
Marcher,
toujours marcher sans m’arrêter
était dorénavant ma seule devise, celle qui me tiendrait éveillée
jusqu’au
bout.
Le
lendemain ma mère m’appela pour s’excuser. Cependant elle
insista pour m’accompagner le jour de mon départ. Je ne lui ai pas
refusé, mais je craignais qu’elle découvre le contrat qui me
liait à l’homme de ma vie. Savoir que j’étais mère porteuse
aurait fini de l’achever, un vrai désastre…mais heureusement
elle n’est jamais venue avec moi, trop sensible trop peureuse, je
ne sais pas...
Imaginez
donc un peu cette fin d’année, pas la meilleure de ma vie, mais
j’étais persuadée que le meilleur restait à venir.
Il
était temps de lâcher la main de celle que j’avais toujours été,
m'éloigner de la jeune femme réservée, timorée, un peu perchée,
accaparée par un quotidien sans mouvement pour enfin prendre mon
envol !
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