Chapitre 2 "Le cri des vieux"
Au
sein du groupe, Jeanny et Joy s’appelaient aussi les J.J. Ça
évoquait les Jeunes et Jolies qu’elles avaient été
dans les années cinquante, des
années où elles avaient fabriqué leurs plus beaux souvenirs,
avouaient-elles avec nostalgie.
Elles partageaient parfois quelques photos où leur beauté sur papier glacé suggérait les cœurs brisés qu’elles avaient dû laisser en train d’errer. Même si elles ressemblaient maintenant à toutes les autres vieilles, les mêmes rides, les mêmes joues molles et flétries sur une peau marquée par le temps, les mêmes gestes lents et imprécis, l’attitude désinvolte qui se fout a priori de tout, l’apparence frileuse, la silhouette fragile qui peut se vautrer n’importe quand, et pour Joy depuis peu, ce foutu dentier qui déformait sa bouche ainsi que ses mots. Même si la vieillesse avait tout englouti, enfermée leur passé dans un présent méconnaissable, même si le présent cachait le doux visage de ces jeunes et jolies qu’elles avaient été, même si tout était dissimulé dorénavant sous des plis d’amertume, lorsqu’on s’approchait, on pouvait y déceler dans leurs yeux, d’un bleu insolant, la lueur d’une folie ! C’est cette folie qui avait créé le groupe et avait fait d’elles les leaders de ces vieux et vieilles qui se transformaient la nuit en êtres libres. Cette folie encore qui avait su donner une particularité, une cadence, un rythme, une existence.
Elles partageaient parfois quelques photos où leur beauté sur papier glacé suggérait les cœurs brisés qu’elles avaient dû laisser en train d’errer. Même si elles ressemblaient maintenant à toutes les autres vieilles, les mêmes rides, les mêmes joues molles et flétries sur une peau marquée par le temps, les mêmes gestes lents et imprécis, l’attitude désinvolte qui se fout a priori de tout, l’apparence frileuse, la silhouette fragile qui peut se vautrer n’importe quand, et pour Joy depuis peu, ce foutu dentier qui déformait sa bouche ainsi que ses mots. Même si la vieillesse avait tout englouti, enfermée leur passé dans un présent méconnaissable, même si le présent cachait le doux visage de ces jeunes et jolies qu’elles avaient été, même si tout était dissimulé dorénavant sous des plis d’amertume, lorsqu’on s’approchait, on pouvait y déceler dans leurs yeux, d’un bleu insolant, la lueur d’une folie ! C’est cette folie qui avait créé le groupe et avait fait d’elles les leaders de ces vieux et vieilles qui se transformaient la nuit en êtres libres. Cette folie encore qui avait su donner une particularité, une cadence, un rythme, une existence.
La
vieillesse n’était qu’une peau flétrie par le naufrage sans
sauvetage du passé englouti,
mais dans leur cœur pourtant résonnait fort la vie ainsi que ses
éclats de rire ! Légèrement voûtées le jour, parfois aidées
d’un déambulateur pour se déplacer, la nuit, elles relevaient
leur poitrine et regardaient devant elles, droit devant, en foulant
le sol de leur indifférence tout en attachant un soin méticuleux à
choisir leurs vêtements cousus spécialement pour leurs soirées
interdites.
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